Les frappes aériennes contre les forces du colonel Kadhafi, qui ont débutées le 19 mars, entrent aujourd'hui dans leur troisième mois. Quel bilan au terme de deux mois de guerre ?
Beaucoup évoquent un enlisement. Ils oublient un peu vite que Clausewitz affirmait qu'il y avait deux types de victoires possilbes : par anéantissement et par épuisement. Notre époque médiatique est impatiente et ne conçoit plus la victoire militaire que quasi-instantanée. Au troisième jour de la guerre, on évoque généralement les risques d'enlisement...
D'autres ne conçoivent de victoire que terrestre : certes, la décision se joue, au final, au sol. Mais là encore, il n'est pas toujours besoin d'un corps blindé-mécanisé (action directe). Des opérations indirectes (appui aux forces locales) peuvent suffire. Evidemment, derrière ces questions stratégiques se jouent l'allocation des (rares) crédits militaires : combien pour l'aviation, combien pour l'infanterie, combien pour les forces spéciales ?
Que voyons nous en Libye ? Kadhafi est toujours là mais ses forces semblent sérieusement affaiblies. Sur le terrain, la situation est gelée. La ville de Misrata reste sous le contrrôle des insurgés et les forces loyalistes sont incapables de mener des offensives en direction de Benghazi. Les troupes kadhafistes n'ont plus l'initiative et on sait l'importance de cette notion à la guerre. En face, les insurgés n'ont pas (encore?) l'initiative militaire. La formation d'une armée "rebelle" a été sérieusement prise en main par quelques grands pays, dont la France mais aussi l'Egypte ou le Qatar, et ces efforts finiront par porter leurs fruits. Un seul exemple : la France a fourni un stock de gilets pare-éclats convoyés par cargo depuis Toulon. Lorsque la troupe insurgée sera formée - ce qui n'est pas le cas - nous verrons vite les premières images des combattants rééquipés de pied en cap...
Au niveau militaire, les frappes aériennes n'ont pas encore permis la chute de Kadhafi. Faut-il s'en étonner ? Rappelons qu'au Kosovo, il a fallu 78 jours de campagne pour convaincre Milosevic de céder. Nous n'en sommes qu'à 61. Et l'intensité des frappes était alors plus de trois fois (3,3 exactement) supérieure à celle d'aujourd'hui, si l'on se rapporte au nombre de sorties. [Kosovo : 37465 sorties dont 10.484 de frappes en 78 jours]. Selon les chiffres de l'Otan - qui ne comptabilise les actions que depuis le 31 mars - la moyenne quotidienne est de 142 sorties dont 55 pour des frappes. Les deux théatres sont différents : la Libye est plus vaste que la Serbie mais plus "transparente". Il est moins facile de se cacher sur la route côtière que dans les collines boisées du Kosovo.
Avec les frappes aériennes, et un peu navales, l'attrition des forces kadhafistes se poursuit de manière inexorable. Quel sera le point de rupture ? On l'ignore mais les destructions finissent par faire mal lorsqu'elles se répètent chaque jour durant de longues semaines. Mercredi, ont ainsi été attaqués : un centre d'entrainement, trois noeuds de communication et de contrôle, deux chars, un obusier et un dépot de munitions.
Depuis le début des opérations, l'aviation française a effectué 1800 sorties - soit une trentaine par jour - dont la moitié pour des missions d'attaque au sol. Le nombre d'heures de vol est estimé à 7200. Soit des vols d'une durée moyenne de 4 heures.
La France réalise 20 % des missions de la coalition et environ 30% des frappes.
A noter enfin, l'excellence des moyens militaires engagés : la France dispose aujourd'hui d'une force aérienne (Air et Marine) capable de frappes de précision à longue distance pendant de longues semaines. La disponibilité apparait bonne et la machine tourne. Certes, trente sorties par jour, ce n'est pas la bataille d'Angleterre ! Mais force est constater qu'aucune autre force aérienne européenne n'est aujourd'hui capable de faire aussi bien.