Alors que Jean-Pierre Chevènement a publié son programme politique, «Le Monde» ne parle de lui que dans un article consacré au logement qu'il occupe à Paris. Elie Arié s'interroge : le people a-t-il pris le pas sur la politique?
Le dimanche 25 Juin, Jean-Pierre Chevènement a publié une plaquette indiquant son programme politique et les raisons qui le poussent à se présenter, précisant notamment ceci :
« Il y a-t-il une probabilité que l'un des candidats socialistes potentiels permette de nous soustraire à la dictature des marchés financiers ? Si on met à part l'évocation par Arnaud Montebourg d'une « démondialisation » dont les modalités restent encore floues, aucun candidat potentiel n'esquisse la moindre autocritique par rapport aux choix du parti socialiste qui ont permis l'installation du capitalisme financier dans notre pays (...)
Le projet socialiste 2012 peut paraître comporter à première vue quelques dispositions méritoires, mais il est plus probable qu'il est destiné à fonctionner comme un leurre.
Le montant des mesures proposées (de 25 à 100 milliards d'euros, selon les estimations) n'est pas finançable dans le cadre actuel du système de l'euro. De surcroît, une lecture attentive montre que les mesures qui seraient décisives ne sont que timidement évoquées, quand, encore, elles le sont.
Le projet socialiste 2012 est muet sur la crise de l'euro. Il n'affronte pas vraiment les problèmes auxquels la gauche victorieuse serait inévitablement confrontée. »
Ce programme est déjà disponible sur le site de Rue 89 :
Il comprend plusieurs volets successifs, s’enchaînant dans une démonstration logique :
-L’analyse des impasses économique, monétaire, politique et sociale dans lesquelles se trouvent la France et l’ Union Européenne
-Comment en est-on arrivé là ?
-Un système qui a explosé en vol en 2008
-Nicolas Sarkozy est tétanisé par les marchés financiers
-La souveraineté nationale dans les mains de « Standard and Poors »
-Aucun candidat socialiste n'esquisse la moindre autocritique par rapport aux choix du PS
-Pouvoir parler à l'Allemagne le langage de la franchise
-Comment parler à l'Allemagne ?
-De nouvelles règles du jeu pour la zone euro
-Rompre avec la politique d'austérité
-Réforme du système monétaire international et protection
-Un plan B si l'Allemagne refuse
-Remettre la France sur une pente ascendante
-Un « grand bond en avant » de l'Ecole républicaine
-Savoir projeter la France vers le monde
-L'Allemagne a besoin de la France
-L'Europe ne doit pas être écrasée par la « Chinamérique »
-Un pacte de prospérité pour l'Europe
-Un cap républicain
-Le choix du nucléaire est stratégique pour la France, et le terrorisme intellectuel des antinucléaires
-Défendre la liberté d'expression contre tous les terrorismes intellectuels
-Contre la droite et l'extrême-droite « identitaires »
-Une Confédération européenne élargie
Or, le même jour, Le Monde a choisi de publier un article sur Chevènement, accompagné de sa photo (ce qui est rarissime dans ce quotidien), consacré ...au logement qu’il occupe à Paris.
Sans tomber dans la paranoïa, on peut prendre le pari que son programme alternatif à ceux de l’ UMP et du PS, et qui ne se confond pas non plus avec celui du Front de Gauche et de Mélenchon, n’aura pas droit au même traitement journalistique.
La presse continuera, jusqu’à la présidentielle, à nous inonder d’articles et de sondages pour savoir qui, de Hollande ou d’Aubry, est le mieux placé pour battre Sarkozy ; mais le battre...pour faire quoi de fondamentalement différent? De cela, il ne sera pas question.
Tout comme il n’y a non plus jamais été question du programme de DSK lorsqu’il était le favori des sondages, et pour cause : il n’avait jamais donné la moindre indication à ce sujet.
On peut donc vraiment se poser la question : pour qui et pour quoi votent les Français ? Pour une personne, son poids, son look, son logement, etc., ou pour leur avenir ? Pour choisir une politique ou pour arbitrer entre les sondages sur différents individus? Les journalistes « politiques » méritent-ils encore cette appellation, ou doivent-ils céder leur place aux « politologues » de la SOFRES et autres IFOP ? Est-il encore possible de faire déboucher l’ « indignation » sur une autre politique ? Sommes-nous encore en démocratie politique, ou sommes-nous passés à une démocratie people ? Karl Marx écrirait-il encore, aujourd’hui, que « le Français a la tête politique » ?
Elie Arié - Tribune
Photo : (Jean-Pierre Chevènement - Wikimedia - David.Monniaux)
http://www.marianne2.fr/Pourquoi-Le-Monde-ignore-t-il-la-candidature-de-Chevenement_a207906.html